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Le léopard ne se déplace pas sans ses taches

8 juin 2014

Voilà, c'est fini...

Quatre ans.

Et puis ça y est, on s'en va.
On laisse derrière nous la terre rouge, la poussière, les bouteilles de Guiluxe,
Les Blancs élimés, les âmes errantes, les zinzins, les alcoolos, les businessmen, les causes perdues...
Notre bonne vieille 4x4, les camions à trois roues, les taxis et les chauffards, occasions Bruxelles ou France au-revoir.
On n'oubliera pas les Maîtres tôliers, peintriers et autres frigoristes.

On quitte les îles, les piscines, le jardin du 2 octobre,
Tout ça, c'est fini.
Salut les moutons, les poules, les pintades et tout le reste de la basse-cour,
Adieu le Chakawaka, Litou, L'Istanbul, L'Avenue, Le Patio, le 3615...
Les seringues dans le sable, les sachets de Coyah.

Ciao les sonos tonitruantes, les mamayas, les routes barrées pour faire la fête, pour faire la guerre.
Barrages nocturnes, képis, matraques et prix de l'eau... salut !

On laisse les pluies diluviennes, les eaux qui montent, la mer agitée, les piroguiers qui ne savent pas nager.
Bonne suite à vous, chiens errants, éclopés, albinos, triplées, bana-bana !

Bissap, pain de singe, kinkéliba, alloko, attiéké, konkoué, riz gras, malégatos, biscrèm et autres douceurs, sempiternelles brochettes de capitaine avec frites, adieu !

Salut les Tanties, Tontons et Mamans universelles... Bazins riches et wax multicolores, ce fut un plaisir.

Portez vous bien, vous les Baldé, Barry, Camara, Sylla, Condé, Diallo, Cissé, Koivogui, Conté, Sissoko, Keita, Bah, Kaba, Mara et toutes les familles de Guinée.

Bye bye les amis, on se revoit quelque part dans quelque temps !

Bien des choses à vous tous.

Bye bye 3


Le léopard ne se déplace pas sans ses taches, 2010-2014.

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13 décembre 2013

Éveiller son enfant à Moisibeach

Ah... quel bonheur ! Observer avec émotion son enfant qui s'ouvre au monde... Le poussin sorti de l'oeuf hier est aujourd'hui avide de tout. Une chenille, une mouche, un bon spot d'escalade, un petit bout de plastique jaune fluo qui traîne dans la boue : il n'y a pas de limite au désir de prendre la vie et tout ce qu'elle offre à bras-le-corps. Et tant qu'à faire, on ne gâche rien, hop ! On fourre tout ça dans le bec !

Bouche 1
Nooon ! Pas la seringue usagée !!

Une telle envie, une si belle énergie, ça se respecte, ça se chouchoute, ça se stimule. Mais pas trop non plus hein, ça épuise un max toute cette vitamine.

doigt
- Donne !
- Euh le lézard mort tu es sûre ?

Évidemment, lorsqu'on vit à Conakry, qui cumule les inconvénients de la campagne et de la ville, on s'accroche. A quoi je ne sais plus vraiment, mais comme on a cessé de penser, on continue de s'accrocher. Il vaut mieux évacuer de son esprit les squares parisiens, les petits théâtres de marionnettes, les bibliothèques, les maisons vertes, les jardins vallonnés, les mares aux canards, les barbes-à-papa, les cornets de glaces, les manèges enchantés, les ballades à pied ou à vélo, les... - Ok, ok, j'évacue tout cela. C'est plus sage. Ces pensées malsaines sont remplacées par une question obsédante : qu'est-ce que je vais bien pouvoir faire aujourd'hui avec Minipiou...

une semaine

Ce qui est sûr, c'est qu'on va faire de la bagnole

  • Lundi : ne rien faire, lézarder tranquilou au bord de la piscine avec un bon bouquin

Oublie tout de suite.
Comme lot de consolation, pourquoi ne pas déjeuner dehors avec une copine. Il faudrait que j'arrête d'emmener Minipiou, elle grandit et cavale partout, ça devient difficile à gérer... mais c'est une bonne activité d'éveil que de lui faire apprécier le goût des frites industrielles. Alors je continue.

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Mama, il faut augmenter la sauce

  • Mardi : la marchande de légumes

Si si, c'est une activité une marchande de légumes. Parce que tout ce qui est autour, c'est de la grande aventure. Ça permet d'abord de faire un tour en poussette, ce qui n'arrive pas si fréquemment. Et pour cause.

C'est la magie de Noël

Une fois sur place, Minipiou a développé une vraie passion pour les poules, pintades et autres coqs virils. Les courser, sursauter aux Cocorico enroués, écarquiller les yeux à tout mouvement d'aile : son être entier est en tension face à ce spectacle volailler.

Cocotte
Future star d'une assiette de poulet-alloko.

Mouton
Le spectacle gagne en intensité, on y va crescendo.

Astuce : Afin de renouveler cette activité pleine de surprises, n'acheter que le strict minimum de légumes à la fois. Trop de provisions d'un coup = moins d'occasions de sortir. Pour s'assurer des lendemains agréables, un seul mot d'ordre : la pla-ni-fi-ca-tion !

Tiens, mardi prochain je pourrais l'emmener à l'abattoir de Coléah, ça changera un peu.

  • Mercredi : l'éveil des sens

Je récapitule. Minipiou a déjà eu son activité d'éveil aux mauvaises odeurs hier en passant sur les égouts. J'hésite. Je pourrais l'emmener au port de Boulbinet, mais y'a pas d'ombre et c'est vraiment prenant, elle risque de vomir son quatre heures...

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Tu vois, j'applique consciencieusement les conseils du bouquin spécial Minipiou

Voyons... Une virée au Leader Price ? C'est coloré, il y a des tas de trucs à tenter d'attraper. Si on a de la chance il y aura un peu d'embouteillages, comme ça, la sortie durera un peu plus longtemps.
Le seul souci c'est que je n'ai rien besoin d'acheter... mais c'est un détail.

  • Jeudi : la socialisation (il était temps)

Ouf, c'est Baby group.

  • Vendredi : humer les parfums de la Nature

Heureusement, Conakry recèle quelques petits coins agréables, lorsqu'on cherche bien. Une ballade sous les arbres, un coucou aux oies, des toboggans à escalader... quelques petites parenthèses dans cette ville si bizarre, bordée par la mer sans qu'on en ressente vraiment la présence. Minipiou va bien, t'inquiète. Cela dit, si tu as d'autres idées, n'hésite pas, je prends.

Boîte
Profites-en, il reste encore un peu de place dans la poubelle à suggestions !

C'est la Guinée, c'est pas facile deh !
Plus que le mot même.
Zustement.

27 septembre 2013

L'aller-retour au pays natal

"On ne voyage pas pour se garnir d'exotisme et d'anecdotes comme un sapin de Noël, mais pour que la route vous plume, vous rince, vous essore, vous rende comme ces serviettes élimées qu'on vous tend avec un éclat de savon dans les bordels*" écrivait Bouvier, malade et exsangue, quelque part à Ceylan dans les années soixante... L'heure est grave Nicolas. Trois ans en Afrique, pour moi aussi, ça ne pardonne pas.

En débarquant ici, j'ai d'abord été saisie, étonnée, presque choquée. De n'être plus simplement Lulu, mais d'être devenue Madame. De ne plus seulement mener ma petite barque, mais d'avoir des employés. C'est exigeant un employé. Ça te contraint à devenir un patron, ou plus précisément une épouse de patron (subtil hein ?). Ça t'oblige à voir le monde séparé en deux. Les riches/les pauvres, les Blancs/les Noirs, ceux qui suent dans les taxis bondés/nous autres qui goûtons la fraîcheur du 4x4 verrouillé de l'intérieur. Dans cet univers compartimenté, les vieux de la vieille, ceux qui ont fait l'Afrique, les vieux routards à qui on ne la fait pas, les Libanais de Beyrouth ou du Sénégal... tout ce petit monde a pris ses marques des décennies plus tôt. Ils évoluent aisément dans la pagaille apparente, ils ont intégré depuis belle lurette le fonctionnement de cette stratification sociale. Tant qu'on les accepte ici, ils prennent ce qu'il y a à prendre.
En débarquant ici, j'ai vu mon identité se dérober, pour laisser la place à quelque chose plus en phase avec ce qu'on attendait de moi. Vêtue de ma tenue caméléon, j'ai goûté aux chouettes après-midis entre copines.

Expatgirls
Et y'en a toujours une qui ajoute :
"je dois dire que j'ai de la chance, Fatou est une perle"

Oui. Très rapidement, tout m'est apparu on ne peut plus normal. On se fond dans le décor quoi. Ceci s'explique sans doute par le fait que tout le monde a une vie bizarre, du coup, ça annule la bizarrerie qui redevient normale. Logique implacable. Au début, on s'excuse presque de devoir employer quelqu'un qui passe le plus clair de son temps à nous attendre en bas de l'immeuble, en plein cagnard.

chauffeur
Et puis on s'y fait très bien.

On ne fait plus grand'chose mais on fait faire souvent. Mal, mais on continue de faire repasser, faire porter les courses, faire la cuisine, faire élever ses enfants... Pendant ce temps-là chacun passe le temps comme il peut.

pc

Et puis ici, même si tu n'as croisé personne aujourd'hui, tout le monde sait ce qui se passe dans ta vie, qui tu fréquentes, avec qui tu déjeunes - et qu'est-ce qui te bouffe de l'intérieur. Cirrhose, filles du Bembeya, hôtes parasites... nulle place pour le secret à Conakry.

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Plan drague à Super Bobo

C'est en revenant au bercail qu'on prend la mesure du fossé qui s'est creusé, bien plus profond et bien plus large que les pirogues du port de Landréah... Je passe sur l'inénarrable stupeur, chaque fois renouvelée, devant tant de prouesses architecturales, d'esthétique urbanistique, que dis-je, d'atteinte de la perfection...

parvis
Admirez ce parvis tout plat, sans un seul trou...
et je ne parle même pas des magnifiques trottoirs qui ornent la place

Le premier choc se produit toujours à l'aéroport, à la sortie de l'avion. J'ai tout de suite compris que j'avais basculé dans un autre monde lorsque ma salutation au douanier n'a reçu, pour toute réponse, qu'un petit rictus pincé.

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Ça a continué un peu partout, enfin, je veux dire... ce sentiment d'anonymat presqu'hostile m'a poursuivie dans mes activités de chaque jour. Personne pour t'aider au Leader Price de la rue du Poteau, obligée d'apostropher le type à l'entrée : "Hé petit, porte ça pour moi". "On se connaît, on se tutoie ?" qu'il a vociféré. C'est quand même dingue... devoir se débrouiller toute seule, faire sans plus faire faire. Marcher toute la journée, porter ses sacs, voire éclore des ampoules aux pieds. Mon monde a changé, j'ai du mal à m'y faire. Je craque tout mon pognon dans les trajets en taxi, car je ne comprends plus rien aux lignes de bus. Je suis la rescapée d'un monde perdu. Tout me paraît difficile, complexe. Mais je ne suis plus que de passage...

 "...Vous croyez que vous allez faire un voyage,
mais bientôt c'est le voyage vous fait ou vous défait...**"

Arrête Nicolas, c'est trop de souffrance.

 

*Nicolas Bouvier, Le poisson-scorpion, 1982.
**Nicolas Bouvier, L'Usage du Monde, 1963.

9 juillet 2013

La livraison à domicile vs mes spaghetti au ketchup

Il est super tard - environ 18h30 - on est crevé de nos nuits entrecoupées, des journées à rallonge. Dans le frigo, une vieille tomate ramollasse regarde dans le blanc de l'oeil un brin de persil défrisé. On ouvre le frigo, on referme le frigo. On l'ouvre, on le referme. Une petite goulée de Guiluxe pour se donner du courage... Nan... Pas d'inspiration ce soir. On n'a qu'à se faire livrer des pizzas tiens, c'est pas diététique mais ça remplit son homme.

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- Allô bonjour, c'est pour une livraison. On voudrait une pizza au thon et une pepperoni.
- Y'a pas de problème, on va vous appeler quand c'est prêt.
- Ca va prendre combien de temps ?
- Vingt minutes.

Bien évidemment, une heure plus tard on est toujours sans nouvelle. L'estomac qui gargouille, on compose à nouveau le numéro.

- J'ai appelé tout à l'heure pour commander des pizzas.
- Mmmh. Minute. [FATOU ! FATOUUU ! PIZZA TANA MOU FEYEN !] Monsieur allô ? Quelle pizza vous avez demandé ?
- Une thon et une pepperoni.
- Mmmmh... Les deux là, ça manque.

Sans_titre_20Inspirer profondément avant de reprendre le dialogue


- Vous avez quoi d'autre comme pizza ?
- Non là, les pizzas c'est fini.
- Vous avez des burgers ? (Ndlr : Vous savez, les fameux burger chou-mayo)
- Attendez, je vais demander. [FATOU ! BOURGER I KENA DENEMBAYA GO ?] Monsieur allô ? Oui, burger y'en a.
- Ok, alors je vous explique où j'habite, c'est juste à côté du restaurant. Quand vous êtes sur la corniche, vous dépassez la mosquée c'est l'immeuble rouge à pois bleu, avec un toit jaune.
- Y'a pas de problème. Une fois arrivé là-bas, le chauffeur va vous appeler.

Bien évidemment, une heure plus tard, le fameux chauffeur ne nous a pas appelés. Au téléphone, la dame interpelle à nouveau Fatou  [FATOU ! TONGO SOULI BOURGER ?] qui confirme qu'il est parti depuis plus d'une demi-heure.

- Trente minutes ? Mais c'est pas possible, j'habite juste à côté !
- Ah d'accord, je vais l'appeler.
- Non laissez tomber, j'annule la commande. J'irai plus vite à me faire des spaghetti au ketchup.

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- Allô le restaurant l'Azurée ?
- Ah non mon frère, j'ai revendu le restaurant depuiiiis ! Je vais te donner le nouveau numéro.

Petite parenthèse spéciale novices :
Hé oui, il n'y a que des numéros de téléphone mobile personnels à Conakry.
Tu appelles un directeur d'entreprise, et au son des poules qui caquettent autour de lui,
tu subodores qu'il n'est pas exactement au bureau.
Une autre fois, tu appelles un technicien de chez Orange,
et il te répond tout simplement qu'il est en train de se laver les pieds.
Fermeture de la parenthèse.

- Allô, le restaurant l'Azurée ? C'est pour une livraison. On voudrait une assiette de cinq pièces de sambousiks au fromage et deux manaïches au zaatar.
- Quand c'est prêt on va vous appeler.

Trente minutes après avoir raccroché, une chose incroyable se produit : l'Azurée nous rappelle. Sur l'instant, ça nous donne le sourire et on se remet à croire en l'humanité. Enfin, les ventres vides seront bientôt rassasiés. C'est du moins ce qu'on imagine car rapidement, on se rend compte que l'une de ces deux options va nous être susurrée à l'oreille :

Option n°1 : "Euh... bon. Le livreur a eu un décès, il n'est pas venu d'abord".

Option n°2 : "Votre commande là, c'est fini. On n'a plus les sambousiks et on n'a plus les manaïches aussi".

L'estomac qui glougloute, on ne sait même pas pourquoi on tente d'en savoir un peu plus.
- Alors vous avez quoi ?
- Oh vous savez, moi je suis à la réception...
- Allez demander s'il y a les keftas.
- D'accord.

[Taraudé par le doute, le réceptionniste reprend la ligne avec cette question cruciale "Vous avez dit kefta ou kafta ?"]

- Bon, les keftas c'est fini aussi.
- Des sambousiks viande ?
- Y'en a mais c'est pas assez pour une assiette, ça reste seulement un.
- Des burgers ?
- Oui y'en a mais on n'a pas le pain. On va commissionner le petit qui va aller au four.

C'est dingue, il a réponse à tout, quoiqu'on demande, ça manque.
Une casserole, des spaghetti, du ketchup - après tout, j'ai tout ce qu'il faut à la maison.

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Évidemment, on a tout essayé, car la flemme du soir est revenue maintes fois toquer à la porte. On a bien fini par recevoir quelques commandes : des pizzas renversées dans leur emballage, des salades cuites par leur vinaigrette, des keftas carbonisées et quelques bonnes surprises à marquer d'une croix. Le tout parfois transporté dans un foré sac qui dégouline de jus (lorsque ce n'est pas un riz au gras versé en vrac directement dans ce même foré sac) dans des cartons déchiquetés pouvant tout aussi bien servir de réceptacle aux détritus - en un mot, de poubelle. On a attendu des livreurs perdus à deux pas de chez nous, on les a guidés par téléphone et ils se sont retrouvés à des kilomètres. On a tout fait, tout tenté, jusqu'à abandonner définitivement l'idée de se faire livrer.

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Patron, il faut me aider pour le transport.

C'est devenu un sujet tabou. Son évocation est forcément annonciatrice de clash.

- Je sais pas quoi faire à manger ce soir...
- On n'a qu'à se faire livrer !
- Quoi ? Mais comment tu oses dire un truc pareil ?!

Et puis il s'est passé un truc incroyable. On a retenté le coup ailleurs.
Le menu promettait une livraison en trente minutes. Ponctualité, propreté, emballages soignés, glacière isotherme : waouh. Le plus incroyable, c'est que tout ce qui est mentionné sur le menu est effectivement disponible. On dirait bien que c'est LA bonne adresse où commander mes spaghetti au ketchup.

4 juillet 2013

Mon quartier chic, ma vie à Conakry - pour Sandra T.

On s'est connues il y a longtemps, au lycée. Paris 14ème, métro Edgar Quinet.

Trois ronds en poche, juste de quoi se payer un paquet de dix et un café à la Coupole, on passait notre temps ensemble. Et puis les années sont passées, la fac, les voyages, le boulot, les nouvelles rencontres. Toi à la campagne et moi en Afrique, on vit aujourd'hui à mille lieues de nos virées à travers Paris, de Jussieu à Montparnasse... Comment aurais-je pu parier là-dessus !

Mais alors Conakry... qui l'eût cru dé ?
Qu'est-ce que je fais là ?
Et pour combien de temps ?
Et comment c'est la vie ici ?
En un mot, c'est quoi ce bin's dé ?
Et pourquoi je dis à tout bout de champ ?

On va reprendre tout du début, parce que non, Sandra, la vie en Guinée n'est pas comme tu l'imagines. Je ne vis pas dans une pub pour l'expatriation romantique. Désolée de casser l'ambiance mais le quartier chic des ambassades, les rues typiques avec des commerçants ambulants, un peu comme dans "L'Amant" mais version africaine... j'ai le regret de t'annoncer que tout ceci est le fruit de ton imagination.

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Désolée, on ne vit pas dans le décor d'un roman de Marguerite Duras.
Même si on dégage la même classe naturelle que ses héros.

Tu pensais que je me baladais à pied dans les rues chaudes et poussiéreuses avec mon bébé porté en écharpe... Pour le "chaud" et le "poussiéreux", je crois que je ne peux pas te contredire. Le bébé en écharpe... comment dire... pourquoi pas ? Si la panoplie de soudeur est livrée avec l'écharpe.

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Si je déambule avec les gens qui me parlent comme si j'étais là depuis toujours ? Tu entends probablement, par déambuler, que je me déplace avec un déhanché chaloupé, pour que ma démarche colle à la douceur de la vie guinéenne. Pour être tout à fait honnête, je déambule essentiellement à bord de ma 4x4, c'est plus en phase avec la réalité.

4x4
En m'installant à Conakry, j'ai troqué mon passe Navigo
contre une voiture avec chauffeur.

Et lorsque j'en descends, c'est vrai, on m'apostrophe.

Poussette

Crois-tu qu'il s'agisse en fait de la façon traditionnelle de saluer un vieil ami de la famille ?

En réalité, la vie à Conakry est bien différente de ce que tu as imaginé.

Mon quartier a beau être chic, il a la tronche en biais. Ses égouts débordent et ses rues ne sont pas goudronnées. Enfin j'exagère, il y a quand même bien un axe ou deux où on ne trouve pas de poulets qui courent au milieu de la route - car ce sont alors les moutons qui traversent sans regarder à gauche et à droite.

Basse_cour

Mon quartier chic est une forêt d'immeubles dont un bon tiers été construit à la hâte il y a un an, lorsque Rio Tinto a triomphalement débarqué en Guinée... Aussitôt construits, aussitôt vidés, la folie n'était que passagère. Ils surplombent une forêt de toits de tôle, car mon quartier chic pousse dans un bidonville.

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Je pourrais aussi te raconter que dans mon quarter chic, les propriétaires d'immeubles s'occupent de faire curer les égouts, pour que leurs contenu se déverse dans la mer sans trop d'encombrement. On dit aussi que ces mêmes égouts sont remplis de sable par des enfants afin de faciliter le passage des voitures - espérant recevoir un petit billet en remerciement. Pour le business continue, ils videront le sable le soir même pour recommencer le lendemain...

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Ce que tu peux gagner c'est pas petit dé !

Et pendant ce temps, ça déborde. Oui, car j'ai oublié de te préciser que dans mon quartier huppé, les égouts préfèrent souvent dormir à la belle-étoile.

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Alors tu vois, la poussette on ne la sort que de temps en temps. Faut vraiment que ça vaille le coup. Faut qu'on se dise que c'est le moment ou jamais, que si ou loupe l'occase, la journée risque d'avoir un goût d'inachevé.

Alors il arrive que la poussette se retrouve au supermarché Bobo. LA sortie incontournable de mon quartier branché.

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Tiens, une petite poule blanche.

On y trouve des tas de produits de première nécessité.

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Et puis les allées sont larges et c'est climatisé, alors on ne se refuse pas un petit plaisir.

Mon quartier de riches se trouve en bord d'égouts... euh... de mer. Il y a des installations touristiques de ouf, ça fait un peu penser aux Maldives ou aux Seychelles. En plus minimaliste.

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Juste là à gauche, une colline d'ordures surplombe le paysage.

Un peu plus loin sur la corniche, un camion pizza nouvellement implanté sur la plage propose de servir ses clients après deux bonnes heures d'attente. On s'est dit que c'était une super idée, et puis on n'y est jamais retourné.

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Tu vois ma Sandra, c'est ça mon quartier. Je te raconterai bientôt où je fais mes courses, où je me promène le dimanche... Tu te rendras compte que Conakry est vraiment à mille lieues de Jussieu-Motparnasse.

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1 avril 2013

Le syndrome de Conakry

Petit white gagne un salaire correct mais a quand même du mal à finir le mois.
Sa femme travaille, s'occupe des enfants, fait le ménage et les courses.
Ses semaines sont rythmées par les déjeuners du dimanche chez belle-maman.
Blanc quelconque parmi les Blancs, Monsieur Tout-Le-Monde sans relief ni panache.
Train-train quotidien, métro-boulot-dodo, ron-ron de tous les jours.
Français moyen dans son quartier familier... RER, galeries marchandes, zones industrielles, promenade au centre-ville, climat gris souris.
Ses nuits sont agitées par des rêves de luxuriantes contrées exotiques... et il se retrouve soudainement en poste à Conakry sans avoir bien compris ce qui lui arrivait.

...Atterrissage...

Du jour au lendemain, Monsieur Quelconque est devenu un Grand Quelqu'un. Il est interpellé dans la rue, tout le monde le connaît et l'appelle "le Blanc" ou "Patron". Il a plusieurs personnes à son service, chauffeur, cuisinier, femme de ménage, nounous... tous se plient en quatre pour le satisfaire, lui et sa famille.

Et puis au bout d'un mois, il tombe malade.

Il y a des maladies qui s'infiltrent en vous et vous transforment. Insidieusement, le trouble s'installe mais vous ne vous en apercevez pas tout de suite, parfois même jamais.

Nul besoin de se faire piquer par un moustique ou de boire de l'eau moisie. Inutile aussi de trainer des casseroles oedipiennes. Pour tomber malade, il suffit de s'arracher de son milieu familier et de se retrouver propulsé dans un monde qui fonctionne selon des codes indéchiffrables pour le pauvre petit blancos qui débarque ici. Monde qui vous perçoit d'une façon si nouvelle et avec une conviction telle, que cela pourrait ébranler votre santé mentale. Sans mode d'emploi, sans décodeur et sans dictionnaire franconakyka, Monsieur Quelqu'un finit par croire à la réalité de sa puissance.

On a isolé le syndrome :


A. Apparition d'un délire de type mégalomaniaque
(1) Tutoiement systématique des autochtones en étant vouvoyé en retour. Trait fréquemment accompagné de l'incapacité à dire « merci »
(2) Conviction d'être le "patron" – de ses employés mais également du garagiste, du gardien de l'immeuble, de la marchande de légumes, du petit de la rue et des mendiants de la ville
(3) Conviction d'être la seule personne - avec son groupe social et culturel d'appartenance – à être dotée d'un comportement et d'une pensée « normaux »
(4) Sentiment de détresse intense lorsque le cuisinier ne vient pas travailler ou que les trois enfants du foyer n'ont que deux nounous – apparition de pensées obsédantes de type « comment vais-je m'en sortir ? »
(5) Pensées magiques de type :
      - je vais aider les pauvres petits Africains
      - je suis ici pour être utile,
      - ma présence en Afrique va y impacter durablement le cours des événements sociaux, politiques voire même religieux
(6) Hallucinations auditives : comme une petite voix qui dit que les colons français ont été drôlement courageux à leur époque

B. Perturbation marquée du rapport à l'argent
(1) Incapacité à dépenser moins de 4000€ par mois au Leader Price
(2) Considération que 3000€ de loyer est une somme modique

C. Enonciation de certitudes répondant au besoin de maîtriser une angoisse latente
(1) Certitude qu'ils sont tous idiots
(2) Certitude qu'ils sont tous gentils
(3) Certitude que ce sont tous des voleurs
(4) Certitude qu'ils ont tous un poil dans la main
(5) Certitude qu'elles sont toutes des pleurnicheuses
(6) Certitude qu'ils ne savent pas élever les enfants
(7) Certitude qu'ils ne comprennent rien
(8) Certitude que tous les Blancs partagent ces certitudes

D. Obsessions tournées vers les employés
Trait fréquemment observé chez les femmes au foyer n'ayant d'autre occupation que de commenter, en groupe et avec véhémence, le fait que Fatou, Binta et Hawa ne sachent pas quelle priorité donner aux différentes tâches ménagères qui leur incombent (entre javelliser la poubelle ou faire les vitres par exemple). Attention, sujet éminemment épineux pour l'épouse d'expatrié. Lorsqu'elle est en crise, prendre ses distances ou sortir la camisole.

E. Conduites toxicomaniaques
Consommation quotidienne excessive de Guiluxe, Jack Daniel's, Pastis et autres alcools. En groupe mais aussi tout seul, de plus en plus tôt dans la journée. Se reconnaît à l'haleine de chacal et au teint rosé.

F. État confusionnel persistant, avec une prévalence notoire chez les hommes de plus de cinquante ans
(1) Conviction d'être aimé sincèrement par toutes les jeunes filles rencontrées en boîte de nuit
(2) Besoin de s'afficher avec une poule muette de 18 ans lorsque Madame n'est pas là
(3) Absence de réflexion sur le rapport entre la domination économique et l'apparition d'un sex-appeal irresistible et jamais connu auparavant


Attention ! Si tu reconnais chez toi plusieurs de ces symptômes tu as probablement contracté l'africa expatris delirium, maladie tropicale plus communément connue comme "syndrome de Conakry".
Pour te soigner, une seule thérapeutique efficace : la rentropaycilline, des laboratoires Air France. Peut se prendre en une dose définitive (recommandé) ou plusieurs rappels dans l'année.

Tiens, ça tombe bien c'est les vacances.
Tchus !

Bye bye

9 février 2013

Mots d'excuses

 

«Vous allez m'excuser très fort...
Ça commence souvent comme ça.

La suite de la phrase, qui expliquera l'absence de celui ou celle que vous attendez depuis déjà deux bonnes heures, sera probablement peut-être un gros bobard. Mais ce n'est pas grave, comme on le sait à l'avance on fera semblant de s'étonner en écoutant le mot d'excuse choisi pour l'occasion. Il est passé de bouche en bouche, est usé jusqu'à la corde, mais on l'utilise encore. Et alors ? Les meilleures soupes ne se font-elles pas dans les vieux pots ?

Ces excuses toutes faites donnent un aperçu asez précis des problèmes quotidiens rencontrés à Conakry : santé, mortalité, déplacements, tout y est. Hé oui, l'intérêt de l'excuse bidon c'est bien sûr qu'elle est invérifiable. Et parfois c'est tant mieux...

Mots_d_excuses_1
Bon appétit si vous êtes à table.

Un carambolage meurtrier a fait la Une du journal ce matin ? Il est dans toutes les bouches et la nouvelle se propage sur les ondes ? Plus contextuelle que l'annonce "J'ai un décès" utilisée à toutes les sauces, cet accident est à saisir sur-le-champ, ce serait trop bête de s'en priver.

Mots_d_excuses_2
Bon à savoir : un père peut mourir plusieurs fois. C'est très pratique.

Si aucun événement marquant ne donne d'occasion à saisir, on peut se lamenter de la survenue inopinée d'une crise de palu au milieu de la nuit. Sinon, les problèmes de santé de la famille restent des alibis de choix.

Mots_d_excuses_3

Et puis il y a l'excuse-type, celle qui est prononcée quelque soit le climat, la santé des proches, le contexte politique. C'est la meilleure, la préférée, quasi emblématique de la vie à Conakry. Elle est digne de celui qui a inventé l'appareil à courber les bananes : infaillible.

Mots_d_excuses_4

Et l'excuse ultime, celle que l'on entend tôt ou tard en Guinée, indémodable, utilisée dès que la situation nécessite une réponse rapide, laissant pantois et désarmé l'interlocuteur le plus aguerri. C'est de l'artillerie lourde. C'est plus qu'une excuse, c'est une formule d'adieu, votre rendez-vous ne sera sans doute jamais remis à plus tard. J'en ai déjà parlé, c'est... c'est.....

Mots_d_excuses_6
Bravo, tu suis au fond à gauche !

Aaah... le village... cette contrée lointaine, cette oasis introuvable par un foté, un porto et un toubabou réunis... atteint à l'issue d'un voyage long et éprouvant... pannes en tout genre... rencontres de grand chemin... oiseaux de mauvais augure... accidents de la route... invisibles retords... pas sûr d'arriver vivant... On ne dit pas "Je pars en vacances" mais "Je voyage" : c'est l'aventure, on ne sait pas ce qui peut advenir.

Alors l'excuse est toute trouvée. Je voyage, inutile de chercher à prendre de mes nouvelles. Tu l'as compris, partir c'est mourir un peu.

«Vous allez m'excuser très f...

Tûûûûûût ! Tûûûûûût !Tûûûûûût !

Mots_d_excuses_7

Oh ben flûte, y'a plus de réseau. C'est ballot.

Leopardskin

29 janvier 2013

Hé tu as bien grossi, c'est bien ça !

Sympa le compliment. Trop crunch le retour de vacances. Bien le bonjour la Guinée.

On dirait que j'ai grossi, étrange. Ce ne sont quand même pas ces quelques feuilles de salade et de fromages, pizzas, pains, charcutailles, restos, apéros qui ont pu me faire ça ? Ni ces deux-trois desserts à base de fruits en tartes, gâteaux, confitures, coulis, chantilly, caramélisés, il en faut bien cinq par jour non ?

Paul_C_zanne
Si si ça me suffit, je t'assure*

En tout cas le résultat est sans appel, j'ai bien profité et ça se voit.

- "Tu es bien grosse, la France c'est très bon pour toi, dé !
- Ah ouais et ta soeur elle bat le beurre ?"

Ça rend grognon la franchise. J'aime pô les compliments guinéens. Je préfère les mensonges, je voudrais qu'on me dise que je ressemble à un cure-dent. Un petit cure-dent tout joli et fin (mais propre hein, sans les restes de konkoué mâché, pas d'embrouille).

DSCN3742

La beauté c'est la minceur. Ou alors la minceur c'est la beauté, je ne sais plus... Puisque tout le monde le dit dans les magazines, à la télévision, au supermarché, à la plage, à la piscine, dans les cours d'écoles ou au rayon bikinis, c'est que ça doit être vrai.

Pourtant, pendant que Géraldine exécute sa méthode pour rester sculpturale (elle déguste un repas composé d'une feuille d'endive et d'une cuillerée de fromage blanc, chaque bouchée est mâchée trente fois tout en pédalant), et qu'elle tient le coup grâce à des coupe-faim et des amphétamines, de son côté Fatou reprend de la sauce (composée de 60% d'huile, 30% de cube Maggi, 10% de pâte de tomate) et avale un cocktail de pilules "grosses fesses". A chacun son délire après tout.

En ce moment, il faut croire que j'ai plutôt tendance à correspondre au standard de beauté guinéen : chuis "bien arrêtée". Et en plus c'est naturel (allez, sois pas jalouse).

Bon mais dans tout ça je fais quoi moi ? J'opte pour quel régime ? Et pour plaire à qui ?

2012_08_17_09
Je sais pas, j'hésite.

 *Nature morte de Paul Cézanne

27 janvier 2013

"Etablissement" vous informe d'un problème technique... Mince alors !

Hé l'ami, tu n'es pas bien informé, tu spammes à gogo mais...

spam_edf

..."prélèvement automatique" c'est une blagounette ? Très drôle, joli trait d'humour, merci bien.
Mais sache que c'est Total qui nous fournit en énergie.
EDG aussi mais pour ton information, on paye notre dû en cash moisi, la carte bleue c'est pour les vacances.

Allez, c'était bien tenté, félicitations pour la photo très crédible.
Bonne chance hein !

19 janvier 2013

G 1 admiratr secrè ki mécri dé bo messaj

Héloïse et Abélard... Simone de Beauvoir et Nelson Algren... Guillaume Apollinaire et Madeleine Pages...
Ils incarnent l'amour passionnel, déchirant, impossible... on les imagine rédigeant fiévreusement des lettres d'amour enflammées, on souffre avec eux, on a mal. Manque, solitude, ivresse... désespoir.

Quel bonheur de constater que ce genre littéraire, l'échange épistolaire amoureux, n'a pas disparu avec la modernité. En utilisant les moyens de communication actuels, notamment les SMS, la jeune génération ne sacrifie pas pour autant le style et la qualité d'écriture. J'en veux pour preuve ces magnifiques mots d'amour que je reçois depuis plusieurs mois. Le talent est tel que je n'ai pu résister à l'envie de partager ce petit bijou, les messages successifs constituant une oeuvre en soi.

L'auteur a tout compris, tout en donnant un sacré coup de pep's à l'orthographe, il a tout mis.
Il a mis un peu de sagesse, empreinte d'un paternalisme tellement rassurant :

SMS1

Une table de calcul comme une ritournelle amoureuse, car c'est vraiment important de mêler connaissance et sentiment amoureux :

SMS2

Une sympathique salutation afin de me signifier qu'il pense à moi :

SMS3

Je ne suis PAS Mariame


Un sens des priorités, car dans un couple, il est bon de les définir afin de regarder ensemble dans la même direction (et si possible pas en Guinée vu la première proposition) :

SMS4
Ben que dalle mon pote

Qui dit "échange" dit réciprocité non ?

SMS5
J'ai écrit "désolé" au masculin tellement je suis fûtée.

Mais finalement la réciprocité et la fûterie ne paient pas forcément...

SMS6

Encore un peu d'intelligence diluée dans une bonne dose de sagesse :

SMS7

La vraie beauté fait peur, disait Baudelaire... j'ai compris l'allusion, Maître.

SMS8
On se connaît ?

Et il a ajouté une bonne dose de références littéraires et cinématographiques afin de donner de la force à son propos. Rendre hommage à ses aînés, voilà un acte engagé.

SMS9

Quel homme, vraiment...

SMS10
Tu me prends pour une quiche là.

Bien sûr, je ne sais pas qui est cet admirateur. Il ne sait pas non plus qui je suis. En fait, je parierais que la totalité de son répertoire reçoit les mêmes messages que moi (ben il va pas s'emmerder à dessiner une si belle villa rien que pour moi hein !).

J'en conclus qu'il est amoureux de l'amour, mon Dieu mais quel romantisme !

Par contre tu peux oublier mon numéro steup ?

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Le léopard ne se déplace pas sans ses taches
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